"Primum non nocere" (72)
Depuis quelques années, des patients en quête de médecine conventionnelle se voient proposer par des soignants de "l’hypnose médicale". De nombreux articles de presse et quelques médias présentent également l’hypnose comme "médicale" ; ce qui à mon sens est une erreur fondamentale pour des raisons exposées dans cet article que j'ai intitulé :
"Le médecin et l'illusionnisme".
À la question : l’hypnose est-elle une médecine conventionnelle ?
La réponse est incontestablement non. Commençons par quelques sources pour éclairer cet article sur la question de certaines pratiques de l'hypnose dans les champs médicaux.
"l’hypnose n’est ni reconnue, au plan scientifique, par la médecine conventionnelle, ni enseignée au cours de la formation initiale des professionnels de santé. […]
- La connaissance de cette pratique est encore insuffisante. […]
- L’efficacité sur certains symptômes est insuffisamment ou non démontrée. […]
- Lorsque la pratique n’a pas apporté scientifiquement la preuve de son efficacité, le terme de médecine est à proscrire."(73)
"En résumé, les ThC (74), nées de pratiques non médicales ou d’une médecine éloignée de la nôtre, et pratiquées initialement dans le seul secteur libéral par des médecins ou non médecins sans la caution des instances académiques et/ou professionnelles, se sont progressivement installées dans l’offre de formation des universités et l’offre de soin des hôpitaux, du fait d’initiatives individuelles, sans concertation ni planification, et sous l’effet conjugué de la faveur du public et des réponses insatisfaisantes de la médecine conventionnelle face à nombre de troubles fonctionnels."(75)
"Les DU d’hypnose et d’EMDR ne sont pas reconnus par l’Ordre des médecins. Réglementairement, le médecin n’est donc pas autorisé à mentionner ces pratiques sur sa plaque et/ou ses ordonnances."(76)
L’hypnose n’est pas une médecine conventionnelle, elle en est diamétralement éloignée et ne peut être d'aucune façon réduite à une "médecine alternative et complémentaire" (MAC). Hormis en anesthésie avec l'hypnosédation(77), les applications de l’hypnose dans les champs de la médecine conventionnelle sont assez réduites(78).
"Dans l’ensemble, les indications les plus intéressantes semblent être la douleur liée aux gestes invasifs chez l’enfant et l’adolescent et les effets secondaires des chimiothérapies anticancéreuses, mais il est possible que de nouveaux essais viennent démontrer l’utilité de l’hypnose dans d’autres indications." (79)
De nombreux soignants et médecins non spécialisés ou non-formés rigoureusement en psychothérapie se retrouvent souvent à faire de la psychothérapie, ou du développement personnel après quelques heures ou journées de formation en hypnose (en DU et/ou instituts privés).
Bien entendu, si le médecin est parfaitement formé à la psychothérapie ou au développement personnel, la question ne se pose pas. Dans le cas contraire (plus courant), la consultation classique du médecin (régie par le Code de la santé publique et le Code de déontologie médicale) est-elle l’endroit de la psychothérapie ou du développement personnel ? Une enquête récente porte la moyenne du temps alloué à chaque patient à 18 minutes(84).
Les soignants qui débordent leurs champs de compétences ne le font pas de manière intentionnelle. Cette erreur leur est enseignée dans des centres privés de formation. Oui, de nombreuses formations destinées aux soignants, de par leurs contenus et leur discours, entraînent des praticiens sérieux à s’égarer en terrain miné ; celui des "thérapies brèves".
Qui peut aujourd’hui nous affirmer qu’en quelques heures ou quelques jours de formation, on peut "fabriquer" des psychothérapeutes ?
Certains affirment : "Oui mais pour nous c’est pas pareil, on fait de l’hypnothérapie, des thérapies brèves."
D’après le dernier rapport scientifique d’évaluation de l’efficacité de l’hypnose :
"On peut distinguer l’hypnoanalgésie (hypnose utilisée à visée antalgique) et l’hypnosédation (hypnose utilisée à visée sédative) de l’hypnothérapie (usage psychothérapeutique de l’hypnose)." (85)
Il est difficile de comprendre comment des professions médicales, de formation de base et de culture professionnelle si éloignées de la psychothérapie et de la communication, pourraient devenir compétentes en ces domaines après quelques heures de formation(86).
D’autres diront :
"Oui mais dans les cas de l’ostéopathie ou de la chiropraxie, les médecins bénéficient d’une formation considérablement raccourcie par rapport aux non-médecins."
L’hypnose et la psyché sont dépourvues de corps et de squelette. Les processus engagés dans la psychothérapie ou le développement personnel sont beaucoup trop subtils pour s’y improviser ou penser les maîtriser en empruntant des raccourcis.
L'enfer est pavé de bonnes intentions.
L’hypnothérapie est une psychothérapie ou n’en est pas. Si elle en est une, quelques heures ou jours de formation ne peuvent suffire. Ce problème n’est pas nouveau. En 2007, un excellent article exprimait quelques inquiétudes fondées(87).
"La communication hypnogène"est certainement la forme d'hypnose qui serait la plus utile aux pratiques de soins conventionnels. En effet, la façon de formuler les paroles qui accompagnent des gestes et actes médicaux, faciliterait la relation soignant-patient et disposerait certainement ce dernier à mieux guérir.
Cette relation hypnogène parfaitement adaptée aux différentes contraintes de la médecine conventionnelle, permettrait d’éviter aux soignants et médecins de déborder sur d’autres champs de compétences (notamment ceux de la psychothérapie ou du développement personnel).
Cette approche de l'hypnose développée sur des fondamentaux humanistes et des modèles rhétoriques efficaces serait largement suffisante aux soignants et médecins pour :
"Guérir parfois, soulager souvent, consoler toujours." (82)
Elle serait également facile à intégrer dans le cursus universitaire des médecins sans ajouter des sommes de travail considérables ou des budgets voués à des formations supplémentaires.
Faut-il en déduire que cette approche pourrait devenir thérapeutique?
Ce qui rend une "communication hypnogène" thérapeutique, c’est l’usage qui en est fait. Si un médecin parle à un patient de sa santé, sa communication est thérapeutique. Quand ce même médecin parle à son épicier de sa commande, sa communication est bien autre. Il ne suffit pas de maîtriser un ou plusieurs langages de l’hypnose pour en faire un "langage thérapeutique". Il faut le conjuguer à des compétences "thérapeutiques" solides et reconnues.
Gerome ETTZEVOGLOV
Auteur, conférencier, consultant
Président d'honneur du Syndicat Français des Praticiens en Hypnose Intégrative®
La reproduction partielle ou totale de cet article est autorisée sous la condition d'intégrer le texte et lien suivants : ©Article d'actualité de G. ETTZEVOGLOV Expert Hypnose Nice : www.expert-hypnose.com
Téléchargez gratuitement le livre "Les Dessous de l'Hypnose en France, Immersion au Coeur d'un Univers Fascinant", Paris, Éditions EUTHYMIX, 2018." G. ETTZEVOGLOV.
NOTES DE BAS DE PAGES
72)Locution latine signifiant "d'abord de pas nuire" sur laquelle repose la formation des médecins et pharmaciens.
73)Sources : Ministère des solidarités et de la santé (mise à jour le 13/06/2017) : http://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/qualite-des-soins-et-pratiques/securite/article/les-pratiques-de-soins-non-conventionnelles
74)Note de l’auteur : ThC est l’abréviation de "Thérapies Complémentaires".
75)J. Gueguen, C. Bary, C.Hassier, B.Fallissard, Expertise critique : A.Fauconnier, E.Fournier-Charrière, « Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose », Paris, INSERM U1178, Juin 2015, p.23.
76)Ibid. p.13.
77)Cf. Supra p. 67. 78)Cf. Supra, pp. 66-69.
79)Cf. Académie Nationale de Médecine, rapport, D. Bontoux, D. Couturier, C.-J.Menkès, Thérapies complémentaires, acupuncture, hypnose, ostéopathie, tai-chi, leur place parmi les ressources de soins, 2013, p.11.
80)M. Winckler, Les Brutes en Blanc, Paris, Flammarion, Coll. Point, 2016. 81)Cf. Supra, pp. 66-69.
82)Aléatoirement attribué à Hippocrate (-460-370), Ambroise Paré (1510-1590) ou Louis Pasteur (1822-1895).
83)G. Ettzevoglov, Du langage des sentiments de l’âme, d’autres visages de l’hypnose, Paris, Éditions EUTHYMIX, 2017.
84)Cf. Infra, p. 104.
85)J. Gueguen, C. Bary, C.Hassier, B.Fallissard, Expertise critique : A.Fauconnier, E.Fournier-Charrière, « Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose », Paris, INSERM U1178, Juin 2015, p.9. 86)Cf. Infra, p. 124. 87)G. Ettzevoglov, Les dessous de l'hypnose en France, Immersion au coeur d'un univers fascinant, Paris, Éditions EUTHYMIX, 2018.
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