« La suggestion est le point de départ de l’action des fonctions de l’esprit sur le corps dans une étendue presque illimitée,..., par cette méthode, on fait réagir la pensée sur l’organisme, que l’on amène à la production de phénomènes à peine soupçonnés »(19)
Élève de Ambroise Auguste Liébeault (1823-1904) et cofondateur de l’école de Nancy dite « école de la suggestion »(20), Hippolyte Bernheim (1840-1919), est certainement celui qui le premier, a le mieux compris la force de la suggestion, en dehors de toute hypnose provoquée par une induction hypnotique formelle(21). Il est à l’origine de la plus ancienne théorie de *l'effet placebo ; on pourrait la résumer au pouvoir confondu de la suggestion et de l’autosuggestion.
*Un placebo peut être un geste, un rite ou tout objet ou action neutre censée soulager et/ou guérir. La portée suggestive d’un tel objet ou action est observable sous IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle). Un médicament placebo est quant à lui composé de matière neutre dépourvue de toute substance active.
Nos pensées et nos comportements ne s'ajustent pas à la réalité en soi mais précisément aux représentations subjectives que nous avons de cette réalité. Nos agissements implicites sont fonctions de ce que nous attendons, redoutons ou soupçonnons : notre "implicite" participe grandement des conséquences attendues (auto-prédiction réalisante).
L’influence de nos représentations mentales agit bien au-delà de nos comportements, elle impacte notre métabolisme.
Si la prise d’un placebo conduit au soulagement d’une douleur et participe de la guérison d’un malade, cela présume une puissante auto-suggestion qui résulte d’une conviction intime associative, de l'ordre de : « Prendre cette substance va me guérir ». Imaginons alors les effets toxiques voire dévastateurs du phénomène inverse :
l’effet Nocebo. Des chercheurs ont constaté une baisse des sécrétions de neurotransmetteurs de type opioïdes et dopaminergiques chez des sujets victimes d’effets nocebo.(23)
Les différentes recherches sur l'effet placebo permettent à nombre de scientifiques de converger vers la sécrétion d'endorphines.
Les endorphines sont des substances chimiques qui ont des propriétés semblables à celles de l'opium et ses dérivés (morphine, etc.). Elles sont produites par le cerveau, sous l'expression d'un gène spécifique : les neuromédiateurs sont des polypeptides qui régulent les messages nerveux au niveau synaptique ; leur effet est principalement inhibiteur. Le lien entre l’effet Placebo et l’action des endorphines a été fait en 1978 par John Levine. Ce chirurgien dentiste soulageait la douleur due à une extraction dentaire, soit par de la morphine, soit par un placebo avec des résultats équivalents à divers degrés. En administrant à ses patients, sans les informer des effets, de la « Naloxone(24) », il a constaté qu'il annulait également l'effet du placebo.
Cette expérience met en exergue le rôle des endorphines dans l'effet placebo.
La principale mission de ces neuromédiateurs est d’inhiber les messages nerveux de douleur au niveau du thalamus, un centre intégrateur de l’encéphale. L’autre action des endorphines se situe au niveau du "circuit de la récompense". La présence de neuromédiateurs va alors stimuler la sécrétion de dopamine. Ce neurotransmetteur assure la communication entre les cellules et les neurones et est à l’origine des sensations de plaisir. Que ce soit dans le thalamus ou dans le "circuit de la récompense", les endorphines agissent comme grand nombre de drogues.
L’effet Placebo se mesure scientifiquement via des indicateurs biologiques (acidité gastrique, taux de corticoïdes ou de cholestérol, etc.). La portée suggestive puissante et effective d’un placebo est donc prouvée scientifiquement.
En somme, la suggestion et de l’auto-suggestion produisent des effets puissants sur votre cerveau. Souvenons-nous : la transe est un état d'hyper-suggestibilité, imaginez alors l'étendue des potentialités qui s'offrent à vous dorénavant sous transe flash®.
Gerøme ETTZEVOGLOV
Auteur, conférencier, consultant
Président d'honneur du Syndicat Français des Praticiens en Hypnose Intégrative®
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NOTES DE BAS DE PAGE
19) A. A. Liébeault, Le sommeil provoqué et les états analogues, Octave Doin, Paris, 1889, p.46. 20) Dans l’âge d’or de l’hypnose en France. Cf. p.183, Hypnose et relation d’aide. 21) Joseph Delboeuf (1831-1896), son contemporain soutenait la théorie de la suggestion de Bernheim en ces mots : « Il n’y a pas d’hypnotisme, il n’y a que des degrés divers de suggestibilité » F. Duyckaerts, Oseph Delboeuf, philosophe et hypnotiseur, Coll. La découverte, Les empêcheurs de penser en rond, Paris, 1992, p.128. 23) « Nocebo Effects, Patient-Clinician Communication, and Therapeutic Outcomes », JAMA. 2012 ; 307(6) : 567-568. doi : 10.1001 / jama. 2012. 115.
24) Inhibiteur qui bloque l'action des endorphines.
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